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Sombres perspectives pour l’économie Russe.


Image : Getty Images

Tribune éditorial


  1. La Russie prise en étau:


On le sait depuis longtemps l’économie russe repose principalement sur les revenus tirés de l’exportation des hydrocarbures, pétrole et gaz naturel ; en parallèle, on aura observé un accroissement spectaculaire des dépenses militaires dans les budgets de la Russie, qui n’auront cessé de progresser au cours des 20 dernières années au service de la seule industrie dans laquelle le pays aura investi, celle de défense, grâce à la manne pétrolière et gazière.


En résumé, le gaz et le pétrole auront permis à la Russie de financer son gigantesque effort de guerre, alors même que les sanctions prises à son encontre dès 2022 par de nombreux pays n’auront pas permis, dans un premier temps, de tarir ses ressources ; c’est ainsi qu’on estime à 240 milliards de dollars les revenus tirés des hydrocarbures par la Russie ces deux dernières années, exclusivement affectés à l’effort de guerre, soit près du double du budget de son armée en 2025 (119 Md €).


Cette situation est née en grande partie de l’insuffisante efficacité des mécanismes de sanctions adoptés dès 2022 par les pays soutenant l’Ukraine; elle s’est traduite par le développement de « flottes fantômes » permettant d’écouler les exportations russes par l’affrètement clandestin de navires de toutes nationalités, dont certains en état de grande vétusté ; à ce jour, pas moins de 183 navires fantômes ont ainsi été repérés, dont on considère qu’ils représentent aujourd’hui 80 % en volume de ces exportations.


Mais à l’orée de l’année 2025, cette situation devrait évoluer radicalement, à la suite de la décision des Etats-Unis et de l’administration Biden de frapper cette flotte pétrolière et gazière illégale en interdisant purement et simplement le déchargement des navires concernés. Les États-Unis ont introduit un des plans les plus sévères contre industrie pétrolière russe, ou plutôt contre la principale source de revenus de la Russie pour financer sa guerre illégale contre l`Ukraine a déclaré la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen.

Ces sanctions coûtent à l`économie de l`agresseur des milliards de dollars par mois en profits pétroliers. Il s’agissait de géants tels que GazpromNeft et Surgut Neftegaz, de leurs cadres supérieurs et de leurs familles, et d’un total de plusieurs centaines d’entreprises russes engagées dans la production de pétrole, le pompage, le transport et même l’assurance. 


Comme l’a déclaré récemment le Président Zelenskyy, « ces restrictions doivent porter un coup significatif à la machine militaire russe » ; et de fait, la mesure a produit des effets immédiats à l’échelle mondiale, y compris en Chine et en Inde ;  c’est ainsi que les pétroliers sous sanction sont désormais interdits d’entrée dans les ports de la province chinoise du Shandong par où transitait l’essentiel des importations. La Chine et l’Inde tentent désormais de trouver une alternative au pétrole russe, car personne ne veut se quereller avec les États-Unis, écrivent les analystes internationaux.


Les alliés de l`Ukraine  à son tour ont commencé à traquer la flotte fantôme de la Fédération. Le Danemark et la Suède surveillent déjà les mouvements des navires russes au large de leurs côtes. Auparavant, les Finlandais avaient immobilisé un pétrolier russe qui, selon les enquêteurs, avait coupé un câble électrique avec son ancre.


Ce n`est pas la première fois que des pétroliers sont soupçonnés d`avoir été sabotés par une partie de la flotte clandestine russe utilisée pour contourner les sanctions internationales, et l`OTAN en profite pour renforcer ses patrouilles dans la région.


Ils peuvent accompagner les navires suspects et les arrêter pour les inspecter s`ils ont des soupçons. En d`autres termes, ils peuvent imposer des restrictions à certaines catégories de ces navires.


Mais la question est de savoir pourquoi la flotte fantôme du Kremlin se déplace librement dans le monde entier, en passant par les eaux de nos alliés et en atteignant sa destination en toute sécurité ? Il s`agit tout d`abord de centaines de pétroliers.


Ainsi, cette véritable chasse à la flotte fantôme doit permettre un étranglement progressif des revenus pétroliers et gaziers de la Russie, dont on sait à quel point ils pèsent dans le financement de la guerre d’agression qu’elle a engagée. Et ces besoins de financement sont d’autant plus indispensables à la Russie qu’elle doit faire face aux destructions considérables d’armes, avions et hélicoptères,  navires, munitions, missiles et drones que les forces Ukrainiennes infligent à son armée. Cette pression est encore accentuée par le ciblage efficace de dépôts d’hydrocarbures, comme en témoigne l’explosion récente de réservoirs gaziers dans le port d’Ust Luga, plus grand port pétrolier de la Russie, à proximité de Leningrad, frappé par des drones Ukrainiens.


Ainsi la Russie se trouve-t-elle prise en étau entre des besoins de financement toujours plus élevés et des revenus pétroliers et gaziers en chute libre ; cela devrait accentuer et accélérer la dégradation continue de son économie, dont témoignent d’ores et déjà de nombreux indices.


  1. Les indices d’une économie dégradée :


A ce jour, la Fédération de Russie s’avère incapable de fournir des statistiques officielles aux principales institutions internationales. Certaines de ces données sont classifiées « confidentiel », et pour de nombreux experts, cette opacité traduit un point de bascule, celle d’une dégradation brutale et irréversible de l’économie de la Russie, désormais incapable de soutenir l’effort de guerre que lui infligent ses dirigeants ; c’est ainsi que selon Igor Lipsitz, docteur en Economie et expert Russe reconnu, cette économie « est entrée dans une phase de dégradation et de destruction ». 

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Dans les faits, cette opacité n’empêche pas le peuple Russe de constater jour après jour la dégradation de son niveau de vie, avec une pénurie toujours accrue de produits de première nécessité, la très forte augmentation des prix de denrées de base (Beurre, pain, lait, œufs) dans un contexte d’inflation aujourd’hui chiffrée à 9,5 % en rythme annuel, et alors que l’on évoque aujourd’hui un possible plan de baisse généralisée des salaires en 2025.


Pas étonnant que dans ce contexte on observe une augmentation  des vols en magasins, les prémices d’émeutes de la faim dans certaines localités et l’instauration de cartes d’alimentation à destination des retraités dans certaines régions (dont Kaliningrad), expérience qui pourrait être étendue.


De même, tous les acteurs économiques, ménages comme entreprises, ne peuvent que constater l’augmentation très sensible des taux d’intérêts bancaires, au risque de décourager la consommation et l’investissement et de renforcer ce constat amer de la population selon lequel tout doit être consacré au seul effort de guerre ; illustration de cette crise, plus de 100.000 automobiles VAZ sont aujourd’hui stockées en usines ou concessions faute de trouver preneurs, et la plupart des équipements électroniques importés restent invendus, en raison de prix trop élevés


Il est vrai que dans le même temps, le cours du rouble ne cesse de se déprécier, obligeant la Banque Centrale de Russie à augmenter le taux d’escompte, ce qui influe nécessairement sur le coût du crédit ; certains observateurs anticipent déjà un Dollar à 150 roubles, en dépit des interventions de la Banque centrale.


Dans ce contexte fortement dégradé, comment ignorer qu’aucun des pays présentés par le pouvoir russe comme « alliés de la Russie », y compris la Chine,  ne lui accorde de prêts ?


Mais l’économie, ce ne sont pas que des statistiques, c’est aussi une affaire humaine, et là encore les indices russes ne sont pas bons ; ainsi on estime à près de 5 millions le nombre d’emplois aujourd’hui non pourvus, chiffre à rapprocher des départs à l’étranger observés dès les premières semaines de guerre, de l’incorporation de travailleurs sous les drapeaux ou encore, du nombre tragique d’invalides de guerre à ce jour recensés (500.000).


Dans ce contexte, et en dépit d’un contrôle strict de l’information exercé par les autorités, on ne sera pas étonné d’apprendre, selon l’agence Tass, que deux tiers des russes se déclarent mécontents de l’année 2024, en raison des difficultés économiques et de la hausse des prix ; dans le même temps plus de la moitié d’entre eux estiment que « l’opération militaire spéciale » a atteint ses objectifs, et qu’il convient d’y mettre fin dès que possible.


Une opération militaire « spécialement couteuse » en pertes de vies humaines et en destructions de toutes sortes pourrait-on dire !                                                                                         


20 janvier 2025.



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