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Une conversation infructueuse entre Trump et Poutine.

  • Photo du rédacteur: khustochka
    khustochka
  • 21 mai
  • 11 min de lecture


Les deux parties semblent en tirer des conclusions très différentes.


Roman Bezsmertnyi,

Homme politique ukrainien, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de l'Ukraine, membre de l'équipe de négociation ukrainienne dans le processus de Minsk.


Certains diront que le 19 mai n'est qu'un jour de plus d'attente vaine pour le résultat de la conversation entre Donald Trump et le Führer moscovite. Pourtant, non. Même l'inefficacité de la conversation de 19 mai – et c'est évident, comme je le détaillerai plus loin – nous rapproche de la victoire, bien qu'à un prix si amer, si terrible et si douloureux.

Alors, que s'est-il passé durant cet échange de deux heures ? Comment les deux parties le perçoivent-elles ? Que peut-on interpréter et démêler des déclarations du Poutine et du texte rédigé par Donald Trump ou son équipe sur Social Truth ? Car il faut bien comprendre que même les dires des deux camps révèlent un texte et un sens radicalement différents.

Commençons par le côté russe car il est désormais habituel que tout dialogue, tout contact entre Washington et Moscou, se termine par la publication par Moscou de sa propre compréhension, de sa vision, imposant ainsi immédiatement le format et le récit de son point de vue. Et l'on a l'impression que ce n'est qu'après, Washington, après avoir bu un verre d'eau, somnolé et fait une sieste, sort de sa tanière et tente aussi d'interpréter quelque chose.


"La conversation est significative, franche et, en ce sens, utile", selon Poutine.


Comme on le sait,  Poutine lui-même s'est présenté devant les journalistes de la cour à Sotchi et a déclaré que la conversation avait duré deux heures. C'est une information sérieuse, d'autant plus qu'il l'a qualifiée de significative, franche et, en ce sens, utile. Il est crucial de souligner cette dernière partie : "en ce sens utile". De plus, il a remercié Trump d'avoir soutenu la reprise – et j'insiste sur "reprise" – des négociations directes, "interrompues par la partie ukrainienne". C'est de là que vient le retour aux documents d'Istanbul. Autrement dit, selon le Führer moscovite, Trump aurait soutenu le retour à ces négociations.


On a l'impression que, durant toutes ces années, il n'y a eu ni les quatre résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies, ni les décisions du Conseil de sécurité, ni les forums de paix, ni les initiatives de la Chine, ni celles de la Chine et du Brésil, ni la formule de paix et le plan de paix de Zelensky. Pour Poutine, tout cela n'existe pas.


Je tiens à insister une fois de plus sur les quatre résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies, qui, pour une raison étrange, ne sont pas prises en compte à Washington (à Moscou, on comprend pourquoi elles ne le sont pas, mais pourquoi elles sont ignorées à Washington, c'est une question distincte). Cependant, Poutine a remercié Trump “d'avoir soutenu la reprise des négociations », et qui plus est, “celles interrompues par la partie ukrainienne”.


Immédiatement après, Poutine a cité Donald Trump, affirmant que "Trump a noté lors de la conversation que la Russie était favorable à un règlement pacifique de la crise ukrainienne". C'est une formule intéressante. Poutine ne déclare pas en son nom que la Russie est favorable à un règlement pacifique, mais se réfère à une citation de Trump, selon laquelle "Trump a dit que la Russie était favorable à un règlement pacifique de la crise ukrainienne". Poutine est allé plus loin en déclarant qu'un cessez-le-feu avec l'Ukraine serait possible après la conclusion d'accords appropriés par la signature d'un mémorandum. Ainsi, un nouveau mémorandum, un nouveau document, apparaît sur la voie d'un cessez-le-feu.


Le Mémorandum dans cette situation ressemble à un emplâtre sur une jambe de bois.


Comme mentionné, "dans le cadre d'un mémorandum, où seront stipulés les principes fondamentaux d'un traité de paix, il est possible d'envisager un cessez-le-feu en Ukraine si des accords sont conclus et si la voie la plus efficace vers la paix est trouvée." C'est une formule complexe et délicate. Autrement dit, pour cesser le feu, il faut d'abord voir ce que l'Ukraine est prête à concéder, à quel point elle cèdera. C'est ce que recherche Poutine. Le cessez-le-feu n'est donc possible que lorsque le Führer aura a priori la certitude que l'Ukraine acceptera ses conditions. Et il est clair que dans de telles circonstances, la Fédération de Russie sera prête à travailler sur un mémorandum.


Ce mémorandum, dans cette situation, est comme un emplâtre sur une jambe de bois ; il a à peu près le même effet sur le déroulement des événements. Mais il est évident que dans le dialogue, le président des États-Unis ne le voit pas, ou ne le comprend pas, ou Dieu sait quoi. Et ensuite, il est question que "la Russie et l'Ukraine, au cours de ces négociations, doivent trouver un compromis qui conviendrait à toutes les parties."



Que se cache-t-il derrière les mots de Poutine : "éliminer les causes profondes" ?


À la fin [de son compte rendu à la presse], Poutine "enfonce le clou, tête en bas", comme disent les artisans, en déclarant que "l'essentiel pour nous, c'est-à-dire la Fédération de Russie, est d'éliminer les causes profondes." Autrement dit, tout ce qui a été dit avant cette dernière phrase peut être jeté à la poubelle. Car derrière les "causes profondes" se cache un ultimatum à l'Ukraine, un ultimatum à l'OTAN et un ultimatum aux États-Unis. Quand ce mot sera-t-il enfin expliqué dans toutes les capitales ? Lorsque  Poutine prononce cela, il faudrait tout autant "enfoncer un clou" dans la conversation...


De quoi parle-t-on ? Après les précédents ultimatums de Poutine (rapelons les russes exigeaint de l`Ukraine  des concessions territoriales, abandon de l'OTAN, réduction de l'armée à 20 000 hommes, introduction du russe comme langue d'État, dénazification et neutralité, note de l'éditeur), il y a eu des résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies, où la situation actuelle, son développement et ce qu'il fallait faire étaient clairement décrits. D'ailleurs, 141 pays ont voté en sa faveur. 141 ! J'insiste là-dessus. Comment Donald Trump a-t-il répondu à cela dans cette situation? De la même manière que Poutine. Si nous revenons en arrière, le dernier événement sur le site du Kremlin est daté du 17 mai. Et donc, nous ne trouverons aucune information. 


Où Trump a-t-il vu un cessez-le-feu dans le texte du Poutine?


Ceux qui sont commentés et discutés dans les médias  n`est  qu`une synthèse basée sur l'approche du Poutine face à la presse de la cour. Il en va de même à la Maison Blanche. Aucune information sur le site de la Maison Blanche. Quant à Donald Trump, ce n'est pas Donald Trump lui-même, mais selon ses dires, un texte assez volumineux a été publié sur Social Truth, le réseau social de Donald Trump.


Donald Trump nous a également informés que la conversation a duré deux heures. Et il l'évalue également comme s'étant très bien déroulée. Il affirme que la Russie et l'Ukraine entameront immédiatement des négociations sur un cessez-le-feu et, plus important encore, sur la fin de la guerre. Comment concilier cela avec ce qu'a dit le Führer moscovite, ce n'est pas clair. Mais pourquoi Donald Trump voit-il cela ? Où a-t-il vu un cessez-le-feu dans le texte du Poutine? Il n'y en a pas. Il n'y a pas non plus de fin de guerre. Il y a un mémorandum. Un mémorandum, c'est-à-dire une note.


Ensuite, Donald Trump dit que "les conditions seront convenues entre les deux parties, comme cela est possible, car elles connaissent les détails des négociations." Lui aussi renvoie tout le monde en arrière. Non pas aux documents de droit international, ni aux résolutions de l'Assemblée générale de l`ONU, mais à des papiers. Allez-y, revenez en arrière. Cherchez les papiers là-bas, donc.



La Russie et l'Ukraine entameront-elles des pourparlers de cessez-le-feu immédiatement ?


Donald Trump : « Le ton et l'esprit de la conversation ont été excellents. Si cela n'avait pas été le cas, je l'aurais dit maintenant, pas plus tard. » Bien sûr, car Poutine se prépare, il joue avec vous, M. Trump, et vous ne comprenez pas qu'il joue avec vous. Oh, Monsieur le Président...


« La Russie, dit Donald Trump, veut engager un commerce à grande échelle avec les États-Unis une fois que ce bain de sang catastrophique sera terminé ». Et je suis d'accord, et c'est là que Donald Trump, c'est là qu'il a raison de dire que le commerce viendra quand cela sera terminé. Il faut lui rendre hommage : sur les questions commerciales et ce point précis, il est très sérieux. Si cela a été dit ainsi, et non écrit différemment, car au début, nous nous souvenons que J.D. Vance avait déclaré que le président des États-Unis proposerait un commerce élargi avec la Fédération de Russie. Mais ici, le texte est formulé de telle sorte que le commerce n'aura lieu qu'après la fin de cette sanglante boucherie. Ce qu'il entend par là – un cessez-le-feu ou la fin de la guerre – il faudrait le demander à Donald Trump.


« Pour la Russie, dit Donald Trump, il y a une immense opportunité de créer un nombre énorme d'emplois et de richesses. Son potentiel est illimité. De même, l'Ukraine peut être un grand bénéficiaire du commerce dans le processus de reconstruction de son pays. » Eh bien, l'Ukraine le peut. Mais la Russie, pour qui la guerre est sacrée et la mort divinisée, je pense que Donald Trump ne comprend pas de quoi il parle. Car du point de vue de la Russie, il s'agit probablement d'un simple pillage des ressources nationales, et non de commerce, comme le dit Donald Trump. Et encore une fois, Donald Trump répète : « les négociations entre la Russie et l'Ukraine commenceront immédiatement ». Cela fait écho à la phrase de Poutine, qui, oui, a un peu gémi à Istanbul, mais les contacts ont été maintenus.


Que le processus commence! 


Cependant, Donald Trump fait un pas absolument juste, et on peut encore le remercier pour cela. Il écrit : « J'en ai informé le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président français Emmanuel Macron, la Première ministre italienne Giorgia Meloni, le chancelier allemand Friedrich Merz et le président finlandais Alexander Stubb lors d'une conversation téléphonique avec moi immédiatement après ma conversation avec le président Poutine. »


Notez que plusieurs personnes manquent ici. Il n'y a ni le Premier ministre britannique Starmer ni le Premier ministre polonais Donald Tusk. Rappelons la dernière phrase que Donald Trump qu`il a prononcée en 2018, en sortant de négociations infructueuses avec Kim Jong-Un, il a dit : «Eh bien, que le président turc Tayyip Recep Erdogan continue les négociations. » Et là avec Poutine, il met exactement le même point final: « Le Vatican, représenté par le Pape, a déclaré qu'il serait très intéressé à mener les négociations. Que le processus commence! » Il insinue qu'il a déjà besoin d'une bouée de sauvetage, qu'il doit être sauvé de la situation, car pour lui, la conversation de deux heures avec le Poutine a été très fatigante. Comme l'a dit J.D. Vance, le vice-président des États-Unis : « Donald Trump est fatigué. » D'ailleurs, cela a également été souligné par Karoline Leavitt, la porte-parole de la Maison Blanche, qui a déclaré que « Donald Trump est fatigué d'investir autant d'efforts dans ce processus de négociation. » 


 Et après ? Plusieurs scénarios de développement des événements.


Première option : Ce petit ajout à la fin, « que le processus commence », est une passe manifeste au Pape Léon XIV, lui disant : « Prenez-les en main et faites quelque chose avec eux, car je suis fatigué. » Cette option est peu probable, car la position du Pape est anti-impérialiste, anti-moscovite. Et cela a été clairement dit à Poutine, qu`il n'iras pas au Vatican, car il n'y a pas de place pour des gens comme lui là-bas, et il n'y en aura plus tant que le Pape Léon XIV sera là. » Quant aux relations entre le Pape et Washington, comme il s'agit du premier Pape américain, on lui pardonnera peut-être ce qu'il a écrit, en faisant allusion à Donald Trump et à sa politique envers les migrants et les couches sociales nécessitant une aide, etc. C'est la première option, qui, je le souligne, est très peu probable, bien qu'il ressorte de l'appel de Donald Trump qu'il souhaiterait que cela se produise le plus rapidement possible. Il est clair que la fatigue l'a terrassé, qu'il gémit et qu'il veut se débarrasser de cette question.


Il gémit en vain. Le premier à ne pas l'entendre sera Poutine. Et ce n'est pas par hasard qu'il a inventé ce délai avec le mémorandum. Il va encore tourmenter Donald Trump, il ne le lâchera pas. Un mémorandum, c'est une affaire de longue haleine, pour ainsi dire, si l'on s'y embourbe.


Deuxième option : les conversations commencent et s'étirent, comme une chanson de chien, ce que souhaite ardemment Donald Trump. Non, pardonnez-moi. Ce n'est pas Donald Trump qui le souhaite. C'est le Poutine qui le veut ardemment, pour gagner du temps, et c'est pourquoi Poutine a lancé le thème du mémorandum. Donald Trump veut le prix Nobel, mais il ne l'obtiendra pas ici.


Troisième option : par des efforts conjoints, les dirigeants européens finissent par expliquer que le président américain s'est fait "bourrer le mou" pendant deux heures et qu'on lui a "refilé" un mémorandum qui est absolument inapproprié dans cette situation. Car pourquoi négocier des principes quand il suffit de faire une chose simple : que les deux parties signent un cessez-le-feu et élaborent un mécanisme pour le garantir ?

En ce qui concerne le processus de négociation : cessez le feu, puis négociez. Il est clair que le cessez-le-feu lui-même est un énorme problème interne pour la Fédération de Russie, car le rouage de la machine de guerre et de l'agression est tellement lancé que cette impulsion impérialiste et conquérante frappera instantanément à l'intérieur. Poutine le comprend très bien. C'est pourquoi il gagne du temps pour "éliminer" ses propres soldats sur la ligne de front.


Dans cette situation, l'Ukraine a besoin d'aide


Cependant, dans cette situation, l'Ukraine a besoin d'aide. Donald Trump se laissera-t-il convaincre, sous la pression des éclaircissements de ses partenaires et collègues européens, d'imposer des sanctions supplémentaires, des sanctions drastiques concernant le secteur énergétique, la flotte fantôme, etc. ?


Je considérerais cela comme l'une des options probables, car au Congrès, tant à la Chambre des représentants qu'au Sénat, il y a déjà des rumeurs selon lesquelles Donald Trump ne peut pas faire face à cette "puceron" du Kremlin, et la pression va donc s'intensifier là-bas. Cela s'est fait sentir, notamment ces derniers jours. Et il est évident que dans de telles conditions, Trump sera en dialogue avec les dirigeants européens pendant plusieurs jours. Et ce qui est très important et intéressant ici, c'est que, sans doute, tout le monde a remarqué que parmi ceux que Trump a appelés, il y avait Ursula von der Leyen. Pourquoi cela, alors que dans les questions du dialogue mené, entre Kyiv et Washington, disons, Londres, Berlin, Paris étaient présents ? Bruxelles n'y était pas. Il est évident que Donald Trump a demandé un certain soutien. Nous le saurons probablement dans les prochains jours.


L'Ukraine pourrait refuser de négocier un mémorandum


C'est une autre option supplémentaire possible. Et cela dépendra de la manière dont Kyiv mènera ses consultations avec ses homologues européens. L'Ukraine pourrait refuser de mener ces négociations absolument absurdes sur un mémorandum, d'autant plus dans l'option d'un retour en arrière. L'Ukraine pourrait proposer sa propre approche, en proposant, par exemple, un projet de traité.


Un certain nombre d'organisations internationales pourraient également s'impliquer dans ce travail. Mais le plus important dans les conditions actuelles est qu'elles ont compris que ce bavardage n'a absolument mené à rien, et qu'il est nécessaire d'exercer une pression sérieuse sur le Kremlin. 


Notez que Donald Trump a dû appeler le président finlandais Alexander Stubb. Car, comme on le sait, une conversation a eu lieu entre eux samedi, à l'issue de laquelle Alexander Stubb a conclu que le comportement du Poutine commençait à énerver Donald Trump. Si, au cours de ces jours, les dirigeants européens parviennent à expliquer à Donald Trump et à son équipe que Poutine a encore une fois berné Donald Trump, l'adoption de sanctions est une option probable. J'aimerais y croire.


Si un tel scénario ne se produit pas et qu'un mémorandum est accepté, cela signifie simplement gagner du temps. Et dans cette situation, de mon point de vue, les dirigeants européens devraient réfléchir à la manière de compenser le manque d'informations dans les "oreilles" de Donald Trump au moment où il a mené les négociations, et de lui faire comprendre que l'apparition d'un nouveau mémorandum dans cette situation n'est qu'un moyen de gagner du temps. Et si l'on commence à discuter de certaines positions qui devraient être débattues dans un traité de paix, cela le rendra complètement caduc. Dans une telle situation, un cessez-le-feu ne sera certainement pas atteint.


Une seule conclusion

Par conséquent, il n'y a qu'une seule conclusion : une pression forte est nécessaire sur Moscou pour forcer Poutine à adopter une approche constructive de la situation et à agir non pas selon ses désirs, mais conformément à la Charte des Nations unies et aux résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies, qui évaluent clairement la situation et exigent des actions du criminel moscovite Poutine. Il n'est pas du même rang que Donald Trump, c'est un criminel. Et parler avec lui comme avec un égal, comme avec un chef d'État, c'est s'humilier. Eh bien, nous suivrons le déroulement des événements.


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